« L’amour ou la victoire? Comment choisir le lien sans se trahir »
Avoir raison ou passer une belle soirée? Le dilemme silencieux des couples
Dans tous les couples, il y a ce moment où tout bascule.
Une remarque, un ton de voix, un souvenir mal digéré… et soudain, la complicité s’effrite.
Ce qui devait être une belle soirée devient un débat sur qui a raison — un duel émotionnel où personne ne gagne vraiment.
En tant que sexologue et psychothérapeute, on entend souvent cette phrase :
“On voulait juste passer une belle soirée, mais tout a dérapé.”
Derrière ces scènes banales se cache un dilemme profond : faut-il protéger son intégrité personnelle ou préserver le lien avec l’autre?
Et comment savoir si notre fermeté est un signe de force… ou de fragilité?
Pourquoi vouloir avoir raison devient un piège relationnel
Vouloir avoir raison, c’est un réflexe humain et naturel.
Ce n’est pas (seulement) une question d’ego — c’est une manière de défendre sa vision du monde, son ressenti et son besoin d’être compris.
Mais dans la vie de couple, ce réflexe peut devenir un piège.
Chaque partenaire veut être reconnu dans sa vérité. Or, lorsque deux vérités s’affrontent, la relation devient un champ de bataille émotionnel :
On se parle pour convaincre, plus pour comprendre.
On écoute pour répondre, plus pour accueillir.
On cherche à gagner plutôt qu’à réparer.
Le résultat? Une érosion lente de la complicité, remplacée par des tensions sous-jacentes et un sentiment d’injustice réciproque.
Préserver son intégrité sans tomber dans la rigidité
Beaucoup de personnes craignent que céder dans un conflit équivaille à se trahir.
Cette crainte renvoie à une notion fondamentale : l’intégrité personnelle.
Préserver son intégrité, c’est rester fidèle à ses valeurs, à ses émotions et à ses besoins essentiels. C’est refuser de se renier pour plaire ou pour éviter le conflit.
Mais l’équilibre est fragile.
Quand la défense de l’intégrité devient inflexible, elle peut se transformer en rigidité relationnelle.
On confond alors être fidèle à soi-même avec ne jamais faire de compromis.
Et paradoxalement, cette rigidité qui se veut force devient une fragilité : elle empêche le mouvement, la nuance, la rencontre.
Le manque de flexibilité cognitive : une fragilité déguisée
Le terme flexibilité cognitive désigne la capacité à considérer plusieurs points de vue sans se sentir menacé.
C’est ce qui permet de dire :
“Je comprends que tu vois les choses autrement, et ça ne remet pas en cause ma valeur.”
Quand cette flexibilité manque, chaque désaccord devient une menace identitaire.
L’autre n’est plus un partenaire, mais un adversaire.
Et sous la colère ou la fermeté se cachent souvent des peurs profondes :
Peur de ne pas être compris.
Peur d’être perçu comme faible.
Peur de perdre le contrôle ou la face.
Cette fermeture est souvent un mécanisme de protection.
Mais à long terme, elle appauvrit la relation : moins de curiosité, moins d’humour, moins de désir.
La rigidité éteint la tendresse.
Choisir le lien plutôt que le triomphe
Prenons un exemple simple :
Sophie et Marc se préparent à sortir. Marc lance, sur un ton léger : “Tu es encore en retard?”
Sophie réagit aussitôt : “Tu dis toujours ça, tu trouves toujours à redire.”
Le ton monte. En moins de deux minutes, la soirée tourne mal.
Dans ce genre de situation, la vraie question n’est pas qui a raison?
C’est : qu’est-ce que je veux nourrir, maintenant?
La victoire de l’ego ou la qualité du lien?
Dire “je comprends que tu l’aies mal pris, ce n’était pas mon intention” n’est pas une capitulation.
C’est un acte de maturité émotionnelle.
C’est choisir la relation avant la justification.
Et ce choix-là, répété dans le temps, transforme les couples.
Il crée de la sécurité, de la bienveillance et, surtout, de la place pour la complicité et le désir.
Souplesse émotionnelle : la clé des couples durables
Les couples heureux ne sont pas ceux qui évitent les conflits, mais ceux qui savent revenir à la tendresse après un désaccord.
Ils ont développé une forme de souplesse émotionnelle — cette capacité à dire :
“Je ne suis pas d’accord, mais je t’écoute.”
“Je ne comprends pas encore, mais je veux essayer.”
Cette souplesse ne diminue pas l’intégrité personnelle.
Au contraire : elle la renforce.
Parce qu’elle s’appuie sur une sécurité intérieure — la certitude qu’on peut accueillir la différence sans se perdre.
La souplesse émotionnelle et la flexibilité cognitive vont main dans la main. Elles permettent de désamorcer les conflits avant qu’ils ne deviennent destructeurs, et de préserver la chaleur du lien, même au cœur d’un désaccord.
Comment les sexologues peuvent aider dans ces impasses
Lorsque les couples se retrouvent coincés dans cette dynamique — entre rigidité et besoin de lien —, l’aide d’un sexologue peut être précieuse.
En thérapie de couple, le rôle du sexologue n’est pas de trancher “qui a raison”, mais d’aider à comprendre ce qui se joue sous la surface.
Concrètement, le travail thérapeutique consiste à :
Identifier les déclencheurs émotionnels : ce qui semble anodin (un ton, un mot, un soupir) réactive souvent une ancienne blessure — rejet, injustice, insécurité.
Traduire les messages sous-jacents : derrière “tu ne m’écoutes jamais” se cache souvent “j’ai besoin de sentir que je compte pour toi”.
Rétablir l’auto-réconfort émotionnelle : avant de chercher à avoir raison, il faut se sentir entendu et reconnu.
Favoriser la flexibilité cognitive : apprendre à tolérer la coexistence de deux vérités, à voir les différences comme une richesse plutôt qu’une menace.
Réintroduire la tendresse et la complicité : une fois le terrain apaisé, le lien peut redevenir un espace de jeu, d’humour et de désir.
Le sexologue agit comme un tiers bienveillant qui aide le couple à sortir du mode “défense” pour revenir au mode “connexion”.
Avoir raison ou être heureux : une question de priorité
Dans la vie de couple, vouloir avoir raison procure un sentiment de contrôle à court terme.
Mais choisir la relation, c’est investir dans la paix et la complicité à long terme.
La maturité relationnelle consiste à reconnaître que deux vérités peuvent coexister sans s’annuler.
Et qu’il vaut parfois mieux poser une main sur celle ou celui qu’on aime que de lever le doigt pour prouver un point.
Alors la prochaine fois que la tension monte, posez-vous la question :
“Est-ce que je veux être victorieux, ou complice?”
Souvent, la réponse vous indiquera ce que vous nourrissez vraiment : l’ego ou le lien.
Quand consulter un sexologue?
Si les conflits deviennent récurrents, si la complicité s’effrite ou si chaque discussion tourne à la défensive, il peut être utile de consulter.
Un accompagnement professionnel permet de :
Retrouver une gestion émotionnelle durant un conflit (meilleure communication).
Développer une souplesse émotionnelle et cognitive durable.
Réapprendre à se choisir — même après les désaccords.
Un sexologue peut vous aider à transformer les tensions en tremplins de croissance, et à rétablir cette alliance précieuse entre intégrité personnelle et intimité relationnelle.
En conclusion
Avoir raison soulage l’ego.
Mais cultiver la tendresse, la complicité et la curiosité nourrit le couple.
L’amour, ce n’est pas de penser pareil.
C’est de rester ensemble, même quand on ne pense pas pareil.