Qui a le pouvoir dans ton couple?
Dans un couple, le pouvoir peut se décliner de plusieurs manières. Qui décide? Qui fera quoi? Qui ira où et quand?
Il y a aussi des formes plus insidieuses de pouvoir au sein d’un couple, par exemple qui a raison? Qui choisi comment un conflit se règle? Qui aura l’impression de faire des sacrifices? Les luttes de pouvoirs et les conflits font partie intégrante de la vie de couple. À un moment ou à un autre, il faudra faire face à une impasse émotionnelle.
Impasse émotionnelle: quand les partenaires veulent répondre à des désirs/besoins diamétralement opposés. Par exemple, un des membres du couple insiste pour essayer de nouvelles pratiques sexuelles, alors que l’autre est très mal à l’aise avec cela. Ainsi, le besoin de nouveauté d’un des partenaires est en conflit avec le besoin de sécurité de l’autre. Généralement dans une impasse émotionnelle, les partenaires sont au point où leur position respective est devenue rigide.
Position décisionnelle vs position de demande
Pour chaque différend (sexuel ou non) dans un couple, il y a une personne en position décisionnelle et une en demande. La personne en demande est celle qui désire quelque chose (faire plus de ménage, avoir plus de sexualité, augmenter l’intimité, aller en voyage de couple, avoir un ou d’autres enfants, etc.) À moins de forcer l’autre, la personne en demande n’a pas vraiment le dernier mot. Elle peut argumenter, culpabiliser, dénigrer, convaincre, mais jamais prendre la décision finale. Elle est soumise au partenaire ayant la position décisionnelle.
La personne en position décisionnelle a en d’autres mots: « le gros bout du bâton », car elle désire moins ladite chose. Elle peut ne pas avoir l’impression d’être dans cette position, mais elle l’a tout de même. Son choix sera alors mis en place, de manière imposante ou collaborative. Elle peut aussi acquiescer aux désirs de l’autre de manière conformiste, pour éviter la chicane ou la rupture.
Quelle est ta stratégie dans chacune de ces positions?
Deux stratégies sont possibles dans chacune des positions, soit la stratégie imposante ou la stratégie conformiste.
La stratégie imposante est utilisée par le partenaire étant typiquement plus dominant. Cette stratégie vient généralement avec le réflexe de gérer les problèmes ou désaccords dans le couple en effaçant les besoins de l’autre. Cette personne a l’habitude d’être très rigide dans ses prises de décisions et aura beaucoup d’influence sur le choix à prendre. Et ce, même dans la position de demande, car elle écrase l’autre par différents moyens. Cette personne qui s’impose sera souvent la personne avantagée lors de conflits. Avec cette habitude, cette personne pourra ressentir :
- Un sentiment d’entitlement, ou que tout lui est dû
- L’envie d’abuser de son pouvoir décisionnel (pour régler le conflit plus vite, pour passer à autre chose, etc.)
- Vouloir se venger sur son partenaire dans une position de demande
- Ne pas accepter facilement la position de demande et le sentiment d’injustice
- Être souvent en colère
- Invalider/minimiser les besoins et les ressentis de son partenaire
Avec la stratégie imposante, vient le besoin d’approbation de l’autre par la fusion émotionnelle (être pareil). Comme la personne imposante ne tolère pas la différence, elle l’écrase en forçant l’autre à se mouler à ses désirs et besoins. C’est ainsi que le sentiment de « entitlement » se construit.
La stratégie conformiste est caractérisée par la soumission à l’autre. La personne conformiste aura tendance à être trop flexible dans les résolutions de conflits, même si elle est dans la position décisionnelle. Comme elle se sent souvent insécure, elle va abdiquer ses choix dans le but de régler rapidement les conflits. À force de toujours réprimer ses désirs, cette personne pourra développer les sentiments de :
- Vivre de l’injustice
- Se sentir à la merci de la personne utilisant la stratégie d’imposition
- De ne pas se sentir important aux yeux du partenaire
- Vouloir rendre l’autre misérable, trop insister
- Chercher beaucoup l’attention
Avec la stratégie conformiste vient souvent une sensibilité accrue au fait de se sentir ignoré. En raison du réflexe de cette personne de s’oublier, les chances sont que plus elle tentera de communiquer ses besoins à l’autre, plus elle le fera de manière »agressive » (cris, crise de larmes, violence verbale ou psychologique, etc.) Cette manière de réagir, en réaction à la rigidité de l’autre partenaire, aura pour effet de placer le couple dans un cercle où les mêmes discussions et conflits semblent toujours réapparaître.
«La plupart des querelles conjugales sont insolubles (…) Il faut plutôt chercher à comprendre la différence qui sous-tend le conflit- et apprendre à vivre avec, en s’honorant et en se respectant mutuellement. »
John Gottman, chercheur en psychologie et clinicien
Un pas (👣) vers la collaboration
Comment faire pour venir à bout d’un conflit, avec toutes ses stratégies et positions? C’est la façon de réagir à l’impasse émotionnelle qui comptera le plus, et non la résolution du conflit en tant que tel. Une première étape nécessaire est d’accepter qu’on ne puisse pas répondre à tous les besoins de notre partenaire de façon parfaite. Aussi, il faut donc accepter que nos besoins ne seront probablement pas répondus de manière parfaite. Ensuite, il s’agit de mettre les besoins de tout le monde sur un même pied d’égalité, même si on ne pourra répondre qu’aux besoins d’un partenaire à la fois.
Cela signifie aussi reconnaître que les membres du couple sont des personnes à part entière qui interagissent, et non une seule entité avec une seule réalité commune. Chaque personne a des valeurs, des réalités et des besoins différents. Parfois, ton désir sera celui qui prime et dans d’autres circonstances, celui de l’autre prendra préséance, il faut alors simplement balancer la fréquence de chacun. Cela ne peut arriver que lorsque les partenaires sont prêts à faire face aux risques éventuels de désaccords, de rejet ou d’incompréhensions. Ils doivent aussi être prêts à tolérer l’anxiété que cela procure, pour pouvoir la dépasser et atteindre de nouveaux horizons dans le couple. Et pour ce faire, des défis spécifiques attendent chaque partenaire.
Le principal défi de la personne en position décisionnelle sera d’accepter la culpabilité ressentie de ne pas avoir toujours su répondre aux besoins de l’autre. Elle doit cesser d’abuser de son pouvoir décisionnel en prenant toujours son choix en priorité et avoir l’humilité d’offrir à l’autre ce qu’il désire. Il est légitime de choisir son désir dans certaines situations, il s’agit de le faire avec compassion envers la personne en position de demande. Pour laisser plus de place à l’autre et le.la faire sentir apprécié.e et reconnu.e, la personne en position décisionnelle peut :
- Poser des questions à l’autre ou répondre par des questions pour favoriser le dialogue et la connexion
- Se pratiquer à se mettre à la place de l’autre, promouvoir la compassion
- Privilégier l’écoute des besoins de l’autre, même si on ne répond pas à leur demande
- Accepter d’être influencé par l’autre personne, si on utilise habituellement la stratégie d’imposition
- Se sentir légitime de répondre à ses besoins avant ceux de son partenaire, si on utilise généralement une stratégie conformiste
Le défi de la personne en position de demande sera d’accepter que le partenaire ne réponde pas à leurs désirs, dans cette situation particulière. Plus spécifiquement il est aidant de:
- Éviter des stratégies imposantes pour que l’autre abdique (culpabiliser, se fâcher, crier, dénigrer, jouer la victime)
- Empêcher les sentiments et pensées négatifs envers l’autre
- Résister à un désir de vengeance quand on se retrouve dans la position décisionnelle
- Avoir de la reconnaissance quand le partenaire en position décisionnelle choisi de répondre au désir de la personne en demande
- Être et rester ferme, de manière respectueuse, sur les éléments qui ne sont pas matière à discussion/compromis, si notre stratégie est typiquement d’être conformiste
Un pas vers la collaboration commence par la connaissance de soi
Pour sortir de la dynamique entraînée par les stratégies imposantes et conformistes, il est possible de se diriger vers une nouvelle méthode, soit la stratégie collaborative. À commencer par questionner qui est plus imposant, qui est plus conformiste et dans quelles circonstances! De plus, il s’agit d’être conscient que les rôles seront inversés dans d’autres circonstances et que votre stratégie utilisées lors du dernier conflit teintera probablement les prochains.
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