La sexualité fait mal

Quand le corps dit non : comment la sexologie aide les femmes avec des douleurs vaginales à reconnecter avec elles-mêmes
Les douleurs vaginales, qu’il s’agisse de dyspareunie (douleur lors des rapports sexuels) ou de vaginisme (contraction involontaire des muscles du plancher pelvien), sont bien plus qu’un problème médical. Elles sont souvent le reflet silencieux de conflits internes, d’histoires personnelles complexes et de traits de personnalité profondément ancrés. Dans l’accompagnement sexologique, il ne suffit pas de traiter les symptômes physiques : il faut aussi rencontrer la femme derrière la douleur.
Le rôle du sexologue : au-delà des muscles et des muqueuses
Une sexologue travaille avec la personne dans sa globalité. Lorsqu’une femme consulte pour des douleurs sexuelles, une partie du travail consiste à explorer non seulement les dimensions biologiques, mais aussi les croyances, les émotions, les relations et… la personnalité. Car souvent, ce n’est pas que « ça fait mal », mais « je me sens mal ».
Des traits de personnalité fréquemment observés
Certaines tendances de personnalité sont fréquemment observées chez les femmes qui souffrent de douleurs vaginales chroniques. Ces traits ne sont pas des causes directes, mais des facteurs de vulnérabilité qui influencent la façon dont la douleur est vécue, interprétée et maintenue dans le temps.
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Perfectionnisme
Ces femmes ont souvent un fort besoin de performance, de contrôle et de conformité. Leur corps devient un autre domaine où « il faut bien faire », même quand cela fait mal. Elles tolèrent peu l’imperfection, ce qui rend difficile l’acceptation de leur difficulté. Elles s’isolent aussi avec le problème et se sentent briser ou anormale. Par contre, cette difficulté est très fréquente chez les femmes. -
Hyper-responsabilité et souci de plaire
Plusieurs ont été élevées avec le message implicite qu’elles doivent s’occuper des autres avant elles-mêmes. Elles veulent être de « bonnes partenaires », ne pas décevoir, ne pas faire de vagues. Cela les pousse à maintenir une activité sexuelle douloureuse, au détriment de leur bien-être. À long terme, la douleur augmente et on associe la sexualité à une activité non plaisante. -
Difficulté à exprimer ses besoins
Beaucoup ont du mal à dire non, à mettre des limites, à affirmer leurs désirs. Leur corps devient alors le messager : il dit non à leur place. Émettre ses limites vient aussi avec des craintes de la réaction de leur partenaire. On tolère mal les conflits et nous avons plutôt tendance à les éviter. -
Anxiété et anticipation négative
L’anticipation de la douleur provoque une tension physique et psychologique. Le vagin devient un lieu d’alerte, de vigilance. Plus on anticipe la douleur, plus elle s’ancre. On remarque aussi tes tendances à l’anxiété en général dans le quotidien de ses femmes. Cette hypervigilance constante rend aussi difficile de se détendre durant une relation sexuelle. Il faut donc travailler la gestion émotive de manière globale et spécifique à la sexualité. -
Honte ou tabous sexuels
Une éducation marquée par le silence, la pudeur ou la culpabilité autour de la sexualité contribue souvent à un vécu corporel dissocié, où le plaisir est suspect et la douleur est normalisée. - Une identité féminine fragilisée
Beaucoup de femme avec cette difficulté se retrouve à avoir une vision de leur féminité défaillante. Soit la difficulté crée cette perception ou elle peut aussi en être la cause. N’ayant pas une bonne relation avec leur féminité, la sexualité peut en subir les conséquences. Manque de confiance, image corporelle chancelante, vision péjorative de la sexualité féminine (slut shaming).
L’impact sur la sexualité
Ces traits de personnalité interagissent avec la douleur de façon complexe :
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Le désir s’éteint, non pas parce qu’il n’existe plus, mais parce qu’il devient associé à une souffrance, à une performance impossible, à un devoir.
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Le plaisir devient inaccessible, car le corps est en mode défense, et non en mode ouverture.
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La relation au partenaire est affectée, parfois teintée de culpabilité, de honte ou de conflits non dits.
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L’intimité devient menaçante, ce qui isole davantage et alimente un cercle vicieux.
L’accompagnement sexologique : un travail identitaire
Aider ces femmes, c’est leur offrir un espace sécurisant pour reconnecter avec leur corps, redéfinir leurs permissions, déconstruire les croyances limitantes et développer une meilleure connaissance d’elles-mêmes. Ce travail inclut parfois :
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Une psychoéducation sur la sexualité et la douleur.
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Un apprentissage de la communication intime, pour poser ses limites sans culpabilité.
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Une exploration des émotions, afin de redonner une place au plaisir et au désir.
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Des exercices corporels avec une physiothérapeute, pour apaiser la réponse de défense du plancher pelvien.
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Et surtout, un cheminement identitaire, pour passer de « je dois faire » à « je choisis d’être ».
En conclusion
La douleur vaginale n’est pas qu’un problème mécanique : elle est souvent le langage d’un corps qui en dit long. Le travail sexologique permet aux femmes de redonner du sens à ce que leur corps exprime, de réconcilier leur tête et leur sexe, et de reprendre possession d’une sexualité choisie, vivante, et enfin libre de douleur. On cherche aussi à ramener le plaisir dans la sexualité, ce qui est le point central d’une sexualité satisfaisante.